MAROC - Pourquoi Ynna Holding a remporté son procès contre Fives en cassation



MAROC - Pourquoi Ynna Holding a remporté son procès contre Fives en cassation

Pourquoi la Cour de cassation a donné gain de cause à Ynna Holding dans son litige face à Fives FCB ?
Début novembre, la plus haute juridiction du Royaume avait rendu le prononcé de son verdict, mais il fallait attendre et consulter une copie de l'arrêt pour en connaitre les motifs. C'est aujourd'hui chose faite. Médias24 a reçu une copie de cette décision tant attendue et vous en donne les grands contours.

Mais avant, rappel des faits :

L’affaire remonte à 2007. Ynna Asment, filiale d’Ynna Holding lance un appel d’offres international pour la réalisation d’une cimenterie à Guisser, région de Settat. Une année plus tard, le marché est octroyé à Fives FCB, société française. Le contrat est signé pour un montant avoisinant les 135 millions d’euros. L’une des clauses du contrat engageait la partie marocaine à verser 13.181.500 euros à titre d’avance pour la réalisation du projet. Un projet qui sera finalement avorté et n'aura jamais lieu, pour des raisons qui diffèrent selon les versions.

En décembre 2009, la société française saisit la Cour Internationale d’Arbitrage de la CCI de Genève, engageant contre Ynna Holding et sa filiale une action pour rupture abusive du contrat. Fives réclame la condamnation solidaire de la filiale et sa société mère, alors que la convention d'arbitrage a été signée par la filiale.

La sentence arbitrale est rendue deux ans après, en 2011. Elle donne raison à Fives et condamne Ynna Holding et sa filiale à lui payer solidairement plus de 19 millions d’euros. Une somme à laquelle s’ajoutent les 5% d’intérêts de retard à compter du 31 juillet 2011. En gros, les arbitres ont accepté d'étendre la clause compromissoire à la société mère non signataire, invoquant sa participation, de fait, au contrat.

Pour donner force exécutoire à la sentence suisse, Fives FCB introduit alors une requête aux fins d’exequatur auprès du tribunal de commerce de Casablanca. Ce dernier rejette partiellement sa demande en condamnant uniquement la filiale, écartant de ce fait toute responsabilité de la Holding.

Seulement voilà, en phase d’appel, cette décision est infirmée. La juridiction de deuxième degré a jugé que la sentence arbitrale remplissait toutes les conditions pour prendre une forme exécutoire. Reprenant l'argumentaire de la sentence suisse, la Cour d'appel avait estimé que Ynna Holding était une partie principale au contrat avec Fives, et que la filiale Ynna Asment n'était qu'un "outil" entre les mains de la société mère.

Cette décision, la première au Maroc, provoque une inflation de commentaires.  Chez les  «Chaabi», elle suscite la stupéfaction.  En février 2015, ils décident de se pourvoir en cassation.

Qu'en dit la Cour de cassation ?

En héritant du dossier en 2015, la Cour de cassation devait trancher une question principale : peut-on étendre à une société mère une clause compromissoire signée par sa filiale ? Sept ans plus tard, la plus haute juridiction du Royaume a enfin livré son verdict. Et en reéalité, elle n'a pas répondu à cette question. En revanche, elle a cassé l'arrêt de la Cour d'appel en estimant qu'elle n'a pas suffisemment motivé sa décision.

Voici les éléments clès de la décision de la Cour de cassation :

- L'extension de la clause d'arbitrage au tiers non signataire du contrat est une exception au principe du consentement à l'arbitrage. Pour établir cette exception, le tribunal arbitral et le juge de l'exequatur (Cour d'appel, en l'espèce) doivent étayer les faits et agissements qui démontrent sans ambiguïté que leur auteur a participé au contrat contenant une clause d'arbitrage, ou qui signifient de manière absolue qu'il s'agit de l'acteur principal du contrat et que le signataire (la filiale) est la personne apparente et non la partie principale.

- La Cour d'appel a justifié l'extension par la présence, lors des négociations du contrat entre Fives et Ynna Asment, de feu Miloud Chaabi qui était alors président directeur général de Ynna Holding. Sachant qu'à l'époque, le même Miloud Chaabi occupait également la fonction de PDG de Ynna Asment. Or, selon la Cour de cassation, la Cour d'appel n'a pas démontré si la présence de Miloud Chaabi était bien en sa qualité de PDG de Ynna Holding et non de Ynna Asment, tandis que rien n'empêche une même personne physique de représenter plusieurs personnes morales.

- La sentence arbitrale a constaté que les réunions de négociations avec Fives avaient eu lieu au siège social de Ynna Holding et non celui de Ynna Asment, ce qui conclurait à la participation de la première au contrat. Or, il est établi que la société mère et sa filiale avaient un siège à la même adresse. La Cour d'appel n'a pas expliqué comment elle a conclu que les réunions se sont tenues au siège de la holding et non au siège de la filiale signataire du contrat.

- Dans son arrêt, la Cour d'appel justifie l'extension en citant des décisions de Ynna qui l'auraient impliquée directement dans la transaction entre Ynna Asment avec Fives FCB. On évoque notamment une caution souscrite par la holding en garantie du projet porté par la filiale, ou encore sa participation au capitale de cette dernière. Là aussi, la Cour de cassation estime que la Cour d'appel n'a pas démontré en quoi émettre ce type de décision impliquerait son auteur dans un contrat qu'il n'a pas signé.

Mais encore, les sages soutiennent que la présentation d'une caution et l'acquisition d'une part de capital ne permettent pas de conclure que le garant ou le souscripteur est une partie à part entière d'un contrat qu'il n'a pas signé.

D'où la cassation de l'arrêt de la Cour d'appel. "La bonne continuité de la Justice et dans l'intérêt des deux parties imposent le renvoi de l'affaire à la même juridiction", conclut la Cour de cassation. Le dossier sera examiné une deuxième fois par la Cour d'appel de commerce de Casablanca, qui statuera en étant composée d'une formation avec de nouveaux juges.


source: medias24.com

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