MAROC - Inflation, ligne modulable, potentielle intervention sur le marché secondaire... Les messages clés de Jouahri



MAROC - Inflation, ligne modulable, potentielle intervention sur le marché secondaire... Les messages clés de Jouahri

Bank Al Maghrib (BAM) a tenu, mardi 20 décembre, son 4e et dernier conseil de l’année 2022. La Banque centrale a décidé d’augmenter le taux directeur de 50 pbs à 2,5%. Pour rappel, elle avait déjà procédé à une hausse similaire le 27 septembre dernier lors de sa précédente réunion de conseil.


Le wali de Bank Al Maghrib, Abdellatif Jouahri, a également, comme à son habitude, échangé avec la presse et répondu à diverses questions sur les implications de la hausse du taux directeur, l’évolution des principaux indicateurs macroéconomiques et les priorités de Bank Al Maghrib pour accélérer les réformes structurelles. En voici les passages les plus notables :


> L’impact de la première hausse du taux directeur se verra dès le début 2023


"Il est encore un peu tôt pour parler de l’impact de la décision prise en septembre de relever le taux directeur de 50 pbs. La raison, c’est que les enquêtes concernant les taux débiteurs appliqués par les banques à leur clientèle, se font trimestriellement. Nous attendons la clôture du mois de décembre pour voir comment ces dernières ont répercuté la hausse de 50 pbs sur leur clientèle. Nous attendons la fin de l’année ; nous serons alors en mesure de voir comment les banques ont appliqué cette hausse."


"En ce qui concerne l’actuelle hausse, pourquoi 50 pbs et pas plus ou moins ? Nous avons d’abord nos modèles qui nous montrent quel est le taux directeur en ligne avec les niveaux d’inflation enregistrés. Il faut aussi noter que l’inflation baisse. Elle reste à des niveaux élevés, mais elle baisse. Nous passons de 6,6% en 2022 à 3,9% en 2023, et par conséquent, nous avons pris ce ralentissement en compte. En cumulant la hausse de septembre et celle-là, nous arrivons à 100 pbs, ce qui est quand même significatif dans le cadre de ce que nous voulons faire. Ce niveau va permettre de mieux ancrer les anticipations d’inflation. Nous verrons comment cela se comportera d’ici 2024, car nous allons supprimer les compensations. La compensation en 2024 se situera à 8 MMDH, et ensuite, des montants très peu significatifs. Concernant l’inflation, nous verrons si le pic est derrière nous."


> Le Maroc démontre sa résilience en période inflationniste


"La stabilité et la sécurité sont les fondamentaux de tout développement économique. Les agences de notations y sont très sensibles. Cela renforce la souveraineté d’un pays. Certains pays n’ont pas pu tirer sur leur ligne auprès du FMI. C’est pour cela que je dis toujours qu’il faut conserver ses équilibres macroéconomiques. Tous les pays membre du FMI font les consultations au titre de l’article IV. Nous menons les réformes. L’AMO a été applaudie et la décompensation en 2024 également. Mais il y a aussi un ciblage des populations les plus touchées qui est nécessaire. Cela est équitable et permet un élargissement des marges budgétaires. Il faut accélérer les réformes structurelles car c’est tout cela qui crée et assoit la résilience et la valeur d’une monnaie."


> Une potentielle intervention inédite sur le marché obligataire secondaire si besoin


"Dans tous les pays du monde, il y a deux instruments essentiels entre les mains des banques centrales pour lutter contre l’inflation. Il s’agit du taux directeur et des réserves obligatoires. Il y a des flux liés à la politique non conventionnelle, à savoir l’achat d’actif du public à travers les obligations d’État, etc. Si les besoins se font sentir au niveau du Trésor, nous irons sur le marché secondaire pour acheter des bons du Trésor pour réguler la liquidité au niveau du marché des obligations de l’Etat. C’est possible. Le Trésor n’a pas utilisé la dotation DTS, mais il a utilisé l’intégralité de la LPL, à savoir 21 MMDH. Il dispose du marché des adjudications également. Si cela ne marche pas et que le marché ne répond pas, la banque centrale peut aller sur le marché secondaire. Nous avons utilisé la réserve obligatoire et le taux directeur pour lutter contre l’inflation."


> Une ligne modulable envisageable en mars 2023


"La ligne modulable a pour caractéristique d’être sans conditionnalité. La LPL avait des limites, notamment le fait de ne pouvoir tirer qu’un certain pourcentage de votre quota. La modulable est sans limite. Côté timing, si nous sortons du GAFI (Groupe d’action financière, ndlr) et si nous menons les négociations comme il faut, le dossier passerait en mars au niveau du conseil. C’est la date qui permettra au Maroc d’être éligible ou de signer la modulable."


"Le Trésor a eu une échéance en fin d’année et il va la payer sur les réserves officielles de Bank Al Maghrib. Il n’est pas sorti sur le marché international mais y réfléchira pour le début de l’année prochaine. Tout cela est à discuter avec les banques conseillères et la due diligence. Maintenant, si une intervention de BAM se fait sur le marché obligataire secondaire, ce serait en effet une première fois, mais cela est conforme à ses statuts."


> Les dépôts à vue progressent de 5% à 6%


"L’épargne est une notion très sensible à mes yeux. Nous sommes un pays de cash et là, nous faisons tout pour essayer de préserver l’épargne. Il faut dire que nous n’avons pas vu de retrait massif de dépôts au niveau des banques marocaines, ce qui traduit un élément de confiance. Il y a eu une forte hausse du cash en 2020, de l’ordre de 20%, mais nous observons un retour à des niveaux de croissance normative de l’ordre de 5% à 6% par an. Les dépôts augmentent donc au niveau des banques, nous le constatons. Il en est de même pour les comptes carnet. En revanche, les comptes à terme baissent. Avec l’inflation que nous voyons, l’épargne est rémunérée négativement. Évidemment, la hausse des taux que nous faisons pousse la clientèle à réclamer une meilleure rémunération auprès du système bancaire. Cela ne veut pas dire que cette rémunération est positive, mais disons qu’elle va s’amoindrir sur le plan négatif."


> Le versement des aides sociales via mobile banking aiderait à son adoption


"Ce qui est incroyable, c’est que nous progressons d’un point de vue technique avec 7,5 millions de Wallets. Nous avons des opérations effectuées mais en nombre limité en termes d’interopérabilité. Elles se font pour des paiements de factures essentiellement. Nous avons lancé une campagne de vulgarisation et de sensibilisation pour montrer que le mobile banking est un système intéressant. Nous discutons avec le ministère de l’Education nationale de l’opération Tayssir. Nous pensons que si l’on veut faire réussir le mobile banking, il faut que les aides de l’Etat passent par ce biais. Il faut que les gens sachent que s’ils ne passent pas par cet instrument, ils auront des difficultés à obtenir leurs aides. Ce qui serait formidable, c’est que ce qui se prépare avec le ciblage de la compensation, se fasse à travers ce mobile banking. Il le faut et nous essayons de pousser cela. Les commerçants de proximité doivent également être rassurés quant à la sécurité fiscale, etc. Il est malheureux d’avoir tout résolu du point de vue de l’interopérabilité et que ça ne se fasse pas. Tout est là, mais l’écosystème n’est pas là."


source: medias24.com

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